VUES
D'EXPO
Maison de la photographie Félix Arnaudin
Labouheyre (40)
août 2006
l'entrée
chambre
du cercle
chambre
du cercle
chambre
de la fenêtre
chambre
des tapisseries
chambre des
tapisseries
texte
texte
de Florence Tastet
masquer les images






Il est un jour
où limage photographique fut inventée et un autre où
un moteur lui donna la pulsion de 24 images seconde.
Pour saisir le mouvement dans la préhistoire du cinéma Marey
inventa le fusil photographique, à la place des cartouches, du film
Il est un autre jour ou les milliers de plans défilant sur la pellicule
argentique sont remplacés par le flux continu de minuscules impulsions
électriques.
Se mettre en marche, se mettre en route, circuler, les engrenages des appareils
des caméras et projecteur puis dans les mini cerveaux numériques,
les bombardements délectrons des écrans Rouge Vert Bleu,
supplantés maintenant par le plasma.
Je cherchais dans lhistoire de lart cette image de la course.
Ce sont souvent nymphes et satyres qui courent dans les bois, ou alors Diane
chasseresse se mettant en marche larc à la main, ou Daphné
qui se métamorphose en laurier avant dêtre attrapée
par Phébus.
Les plus convaincant sont Hyppomène et Atalante de Guido Reni, peintre
maniériste du 17e siècle, puis viennent les femmes courant sur
la plage de Picasso
Pour traduire la course les peintres ont besoin de représenter deux
coureurs ensembles, comme pour superposer des séquences et ajouter
une dynamique à ce qui reste statique : la peinture.
Que raconte lhistoire de Hyppomène et Atalante : une jeune nymphe
Atalante, défie à la course tous ses prétendants pour
échapper au mariage : ils perdent et perdent la vie aussi, mais cela
ne décourage pas Hyppomène qui demande laide de Aphrodite.
Ovide dans les Métamorphoses décrit cette course où Hyppomène
dépassé par la nymphe lance successivement devant elle les trois
pommes en or que lui a donné Aphrodite. Atalante ralentit pour sen
emparer et perd la course. La ruse lui profite aussi car elle nest pas
insensible à Hyppomène
mais lhistoire finit mal
car ils oublient de remercier la déesse.
Cette course dans les bois nest pas sans me faire penser aux courses
nocturnes et secrètes de Felix Arnaudin pour rejoindre Marie quil
ne peut épouser.
Cest donc un hommage à cet homme à la fois ouvert sur
le monde et les nouvelles techniques et nostalgique des anciennes Landes,
dun paysage et de traditions. Un homme des bois avec une camera obscura.
Et moi aussi je cours, jai du laisser sur le bord du chemin le charme
nocturne du laboratoire argentique pour la rapidité du numérique.
Faire des images et les voir à la minute
Je travaille à flux tendu sur
un écran, et je rêve de
Emmanuelle Maura
Emmanuelle
et Félix
Au début de l'avant-dernier siècle, l'invention de la photographie
autorise une relation nouvelle avec le réel : « ce qui se passe»
peut être retenu, gravé, sinon dans le marbre, du moins sur des
plaques de verre et sans (presque) le recours à la main de l'homme, mais
grâce à la présence de la lumière. Science et Technique
produisent pour la démocratie conquérante les images archeiropoietès*
auxquelles le siècle suivant vouera un culte expansif que d'aucuns craignent
aujourd'hui hégémonique.
Cependant, à la marge de toute religiosité, certains individus
et parmi les plus tenaces, avaient d'emblée compris la grande capacité
de cette technique à témoigner d'un temps, le leur, dont ils percevaient
les signes d'une proche résolution. C'est en humaniste que Félix
Arnaudin, à l'aide de son embarrassante chambre noire, s'attache à
relever les traces de la culture pastorale de la Haute Lande, comme à
quelques milliers de kilomètres de là, Edward Sheriff Curtis tente
de fixer les formes diverses de la culture des «américains»
autochtones décidément voués à être exterminés.
Car il s'agit bien de fixer le réel, d'arrêter le temps, de donner
une image de ce moment, parenthèse de répit intellectuel dans
la course inéluctable, insaisissable.
Si l'un et l'autre de ces protagonistes ont photographié les paysages,
objets, c'est symptomatiquement les portraits qui constitue la part la plus
élaborée et convaincante de leur travail, comme si, au delà
du temps et des douleurs visibles et refoulées qu'engendrent les conquêtes,
le visage de chacun, avait encore à voir, à dire de l'humanité
à chacun et comme si ces visionnaires pressentaient que le défi
et l'enjeu de la photographie, synecdoque de la modernité, se situait
là, dans la saisie de la mobilité fascinante du visage comme l'expression
d'un espoir sur lequel il était encore possible de miser.
Au début de ce siècle, alors que la photographie renouvelle ses
techniques et peut-être ses aspirations, il est intéressant de
découvrir les bornes fondatrices, de nettoyer le terrain en quelque sorte.
C'est à cet exercice qu'invite le travail d'Emmanuelle Maura présenté
en ce moment à la maison de la photographie Félix Arnaudin de
Labouheyre.
Mais comme dans toute uvre poétique, cette gravité n'est
perceptible qu'à posteriori. Le long de la promenade, vous serez séduits
par l'étrangeté de ce sujet furtif, modèle contemporain
que le progrès technique autorise, et par ce que sa présence/absence
ensemence dans votre imaginaire avant que de venir frapper votre réflexion.
*les images archeiropoietès sont celles non faîtes de mains d'hommes,
pour la religion chrétienne, par exemple, le saint suaire ou le voile
de Sainte Véronique (sur lequel s'est inscrit l'empreinte de la figure
du christ)
Pour voir les œuvres sans le contexte c'est ici :
SANS TITRE x chambre du cercle
PRISE x chambre de la fenêtre
VOYAGER EN PHOTOGRAPHIE - TROISIÈME VOYAGE x chambre des tapisseries
Toutes les pièces ont été crées pour la maison de Felix Arnaudin.
Je remercie
tout particulièrement Jean-Pierre Mora,
qui a couru avec moi tout le
long de la préparation de cette exposition.