_ LE BOCAL 1994 __ SINUOSITÉ 1993 __ MINÉRALISATIONS 1993 __ NI CHAIR, NI POISSON 1993 __ NOLI ME TANGERE 1992 __ L'AGNEAU MORT ET MOI QUI DORS 1992 __ MIROIRS AUX ALOUETTES 1992 __ LES YEUX 1991 __ MASQUES 1992 __ LA CRUCHE 1991 _

TRAVAUX 1991-94

format 21,5x16 cm - reliure spirale


Pour définir ma pratique, je dirais que j’utilise d’abord l’image photographique, mais pas pour son côté « témoin d’une réalité » mais plutôt, je joue de sa faculté de rendre virtuellement possible des associations impossibles.
La mise en scène de ces images participe à rendre plus trouble encore leur origine
(c’est quoi? c’est fait comment?).
La matière suggérée dans l’image est présente dans la présentation de celle-ci, soit qu’elle recouvre l’image, soit qu’elle l’encadre... D’une certaine façon elle appelle le toucher.
C’est souvent ma propre image qui sert ces opérations de mutation et de fiction. Je suis à la fois modèle et support de graphismes car ma peau est sensible à la griffure, elle réagit en laissant pendant vingt minutes une marque en relief pareille à une scarification.
Pour moi une image est juste, utilisable, quand elle porte autant l’humour que le drame et que moi-même j’oscille devant le sens à donner.
C’est un premier paradoxe que de parler d’image juste et d’énoncer ensuite l’impossibilité d’une mise au point.
Bien qu’à première vue le langage paraisse simple, lisible (un bras, des pierres, des poissons...), tout cela produit du flou, ce flou est là même dans les images.
Ce flou, cette fantasmagorie, je ne les place pas dans des pays absolument délirants, mais dans les objets de mon quotidien, d’où souvent une référence à la nature morte.
De la même manière j’utilise mon corps qui est le corps le plus proche de moi.
Le quotidien camoufle le fantastique, ou le fantastique se révèle dans le quotidien.
C’est une opération de camouflage que je montre là.
Le camouflage, comme la métamorphose est un état intermédiaire. Mutation d’un être qui se fond dans un milieu, ou d’un être présent vers un être futur. Si la métamorphose est chose courante dans les contes et les mythes, elle existe aussi dans la nature, par exemple :
- entre la vie et la mort (vieillissement, désséchement, momification, congélation...);
- entre l’organique et le minéral (fossilisation, cristallisation);
- entre l’éveil et le sommeil.
À cela je peux joindre des éléments de passage de notre corps :
- la bouche (le souffle, la nourriture, la parole);
- la peau (l’homme est le seul animal nu du règne terrestre);
- le sexe;
- les organes des sens, vue, ouïe, odorat...
On peut parler aussi de mutation de l’être dans l’état d’ivresse, l’état amoureux, l’état de folie, l’état de souffrance, l’état méditatif, l’état de rêverie...
À cela quel désir nous pousse?


E. M., mai 1993.